Lettre à Frédérik Kondratowicz

frederikfribourg

C’est l’heure de se taire.

L’heure bénie de l’assiette aux divines surprises.

Au milieu d’une journée routinière, ce goût de fête sauve des craintes, des déceptions, de tout mauvais sentiment.

D’abord la présentation nourrit le regard et réjouit l’âme. La beauté du plat comme un bon présage, apaise et intrigue.

Je goûte avec attention, consciente du plaisir éphémère, puis j’oublie même de me soucier du temps.

Je suis mon invitée.

Contrastes merveilleux des consistances : la tendresse du poisson, le fondant de la mousse et le croquant des légumes.

Le fin voile de sauce ne s’impose pas sur le plat. Il attend poliment au bord de l’assiette le moment de relever discrètement le tout, à la mesure de son gourmet.

Contraste des saveurs, délicate et typée pour chaque légume, douce la mousse, et légèrement pimentée la sauce.

La cuisine n’est pas un art de l’émotion mais des sens. Comme les autres, cet art requiert une finesse de perception et le courage de ses choix.

Frédérik, un érudit culinaire?

Au milieu de ce monde de dictatures, de détresses, de compromis et de chantages, tant de bonheur rassemblé dans une assiette!

Serait-ce une cuisine des lumières, délicieuse au point de rendre meilleurs ceux qui la préparent et ceux qui s’en nourrissent?

Je te suis reconnaissante et te remercie, car le temps d’une assiette, je me suis sentie  reine dans mon cachot.

Au restaurant de l’Hôtel de Ville à Fribourg